L’ANORGEND vous propose de revenir sur une des figures méconnues de la gendarmerie, le général Jean-Alexis BETEILLE (1763-1847). Ce nom est associé à la bataille de Villodrigo (Espagne, 23 octobre 1812) qui constitue la deuxième inscription des quatre batailles inscrites sur le drapeau de la gendarmerie nationale reçu en 1913 des mains du président Poincaré. Deux autres campagnes seront par la suite inscrites sur ce drapeau.

Le général BETEILLE, une carrière de cavalier et de gendarme

État des services du général BETEILLE. A partir du dossier de carrière du général de brigade BETEILLE, conservé au Service historique de la Défense, sous la cote SHD, GR 8 Yd 1458, 

BETEILLE (Jean-Alexis, chevalier), général de brigade, cavalier et gendarme. Le général BETEILLE est né à Rodez le 7 août 1763 et est décédé à Paris le 13 février 1847, à l’âge de 84 ans. Il s’engage comme cavalier au régiment de Berri le 4 avril 1782. Il obtient son congé le 23 septembre 1785. À la Révolution, il est désigné lieutenant au 2e bataillon de volontaires de l’Aveyron le 23 janvier 1792. Il est promu capitaine le 28 juin 1792. 

De 1792 à 1798, il est affecté à l’armée des Alpes et d’Italie. 

BETEILLE est blessé d’un coup de baïonnette à la main gauche au siège de Toulon en décembre 1793. Il est versé par amalgame (c’est-à-dire par la création de demi-brigades à partir de deux bataillons de volontaires et un bataillon de troupes réglées). à la 56e demi-brigade de bataille, le 18 février 1794 ; puis à la 85e demi-brigade de ligne le 19 juin 1796. En mai 1798, cet officier sert à l’armée d’Orient et combat à la bataille des Pyramides le 21 juillet 1798, puis aux sièges de Jaffa et de Saint-Jean d’Acre. Le 25 septembre 1799, il est blessé de deux éclats d’obus à la défense du fort du Marabout : l’un à l’épine dorsale, l’autre à la jambe gauche. À cette occasion, il a fait preuve de bravoure et de ténacité dans son commandement. Le 21 juin 1801, BETEILLE est promu chef de bataillon et rentre en France à la fin de cette même année avec l’armée d’Orient. 

Le 30 mars 1802, il est affecté, à sa demande, comme chef d’escadrons à la 11e légion de gendarmerie et sert à l’intérieur jusqu’à la fin de l’année 1806.

En 1804, BETEILLE fait partie de la première promotion de la Légion d’honneur. De 1807 à 1808, il est nommé commandant de la gendarmerie sous Bernadotte en Allemagne. Le 5 septembre 1809, BETEILLE est nommé commandant du 4e escadron de la gendarmerie d’Espagne. Le 13 janvier 1811, il est promu colonel, commandant la légion de Burgos devenue 1re légion de gendarmerie en Espagne.

De 1810 à 1812, BETEILLE sert sous Drouet d’Erlon, puis sous Bessières à l’armée du Portugal, puis à celle du Nord. Fin 1812, il est à nouveau dans l’armée du Portugal. Le 23 octobre 1812, le colonel BETEILLE reçoit une blessure à l’abdomen, 6 blessures à la tête, 5 aux bras et aux mains en chargeant au combat de Villodrigo où il fut laissé pour mort.

Le 5 janvier 1813, il est autorisé à se rendre à Rodez pour rétablir sa santé.

Il est nommé général de brigade le 2 mars 1813 et reçoit la croix d’officier de la Légion d’honneur. Il est employé dans la 9e division militaire le 17 mars et prend le commandement du département de l’Aveyron le 14 avril, puis d’une colonne mobile le 21 août.

Le général BETEILLE participe à la campagne de France. Le 10 janvier 1814, il est employé à l’armée de Lyon sous les ordres du maréchal AUGEREAU.

Le 28 avril 1814, le général BETEILLE est mis en non-activité, 

Le 29 juillet 1814, il est fait chevalier de Saint-Louis et le 23 août 1814 commandeur de la Légion d’honneur. BETEILLE est employé le 30 septembre à la première division militaire et le 16 février 1815 il est nommé président du conseil de révision de la 1re division militaire. Lors des Cent Jours, il est maintenu dans la 1re division militaire (le 30 mars). Lors de la seconde Restauration, le 14 septembre 1815, il est placé en non activité. Le 20 mai 1818, le général BETEILLE est mis à la retraite. Placé dans les cadres de réserve sous Louis-Philippe, il est à nouveau mis à la retraite le 22 mars 1831.

Le général BETEILLE décède le 13 février 1847 à Paris et est inhumé au cimetière du Père Lachaise dans la 1re division.

Ses cendres sont transférées le 23 octobre 2009, date anniversaire de Villodrigo, au cimetière de Rodez. La gendarmerie lui rend les honneurs militaires à l’occasion de cette cérémonie. Deux casernes portent son nom dans la dernière partie du XXe siècle.

Le général Béteille, le héros de Villodrigo

Le certificat médical du colonel BETEILLE, suite aux blessures reçues à l’affaire de Villodrigo,

conservé au Service historique de la Défense, dans le dossier de carrière du général de brigade BETEILLE, sous la cote SHD, GR 8 Yd 1458

Lors de la bataille de Villodrigo, qui s’est déroulée le 23 octobre 1812, le colonel BETEILLE à la tête de plusieurs unités de cavalerie, a mis en fuite plus d’un millier de cavaliers anglais. A l’issue de cette bataille, le colonel BETEILLE a été lourdement blessé comme nous le rapporte le certificat médical qui se trouve dans son dossier militaire. Ce certificat médical de la violence de cette opération.

Le chirurgien major DEGRUSSE, de l’armée du nord de l’Espagne, certifie ainsi le 27 décembre 1812 à Vitoria que : 

le colonel BETEILLE, de la 1re légion de gendarmerie à cheval, a reçu, à l’affaire qui eut lieu à Villodrigo en octobre, les blessures suivantes :

1. un coup de pointe de sabre pénétrant à l’hypocondre gauche ;

2. un très large coup de sabre à la partie supérieure de la tête, qui a fracturé les deux tables de la partie supérieure du coronal et des pariétaux dans toute leur étendue, avec écartement considérable de ces os qui a mis à découvert le cerveau, d’où en est déjà sorties beaucoup d’esquilles ;

3. un coup de sabre qui a également fracturé la partie écailleuse du temporal gauche ;

4. un coup de pointe de sabre qui a lésé la paupière supérieure de l’œil gauche ;

5. un coup de sabre qui a divisé longitudinalement les muscles qui recouvrent l’arcade sourcilière gauche ;

6. un très large coup de sabre porté transversalement, qui en divisant les ailes du nez a fracturé dans toute son étendue l’os de la mâchoire supérieure du côté gauche et dont la cicatrice sera adhérente ; 

7. un coup de sabre qui a renversé la houppe du menton ;

8. un coup de sabre à la partie moyenne postérieure interne du bras gauche qui a divisé transversalement les muscles jusqu’à l’humérus, dont la cicatrice est adhérente ;

9. un coup de sabre qui a enlevé la moitié de la 3e phalange du médius gauche ;

10. un coup de sabre qui a divisé longitudinalement les muscles du pouce droit ;

11. un coup de sabre qui, en pénétrant entre l’indicateur et le médius de la même main, a fracturé les os du métacarpe d’où il survint plusieurs dépôts accompagnés d’accidents graves ; 

12. enfin un autre qui a renversé les muscles de la paume de la même main.

Dans ce certificat, le chirurgien rajoute : 

Toute la cavalerie passa presque sur ce brave colonel, qui fut laissé pour mort au champ d’honneur, et qui ensuite eut le malheur d’être traîné plus de quinze pas par des militaires qui lui arrachèrent ses bottes. Il m’est inutile de relater ici ses anciennes blessures, ni de m’étendre sur les dangers qu’il a couru dans son traitement ; l’homme de l’art en l’examinant s’en fait une juste idée.

Ces blessures sont présentées dans un ordre vraisemblablement chronologique : 1 au ventre, 6 à la tête avec simultanément 5 aux membres supérieurs. Ainsi il est possible d’en déduire que le cavalier est tombé de cheval suite à la première blessure au ventre et qu’il a reçu ensuite des blessures à la tête, provoquées par les coups des cavaliers ennemis. Dans le même temps, BETEILLE s’est protégé comme le confirme les blessures défensives présentes sur ces membres supérieurs.

Lieutenant-colonel (R) Michel ROUCAUD, 

Vice-président de l’ANORGEND et directeur de la section histoire.

  1.  Sur Villodrigo, voir : Michel Roucaud, « Une bataille de la gendarmerie impériale, Villodrigo, le 23 octobre 1812 », dans Napoléon Ier, revue du Souvenir Napoléonien, n°97, août/septembre/octobre 2020, pp 43-49 
  2. Les hypochondres sont deux régions de l’abdomen.